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Culture

Les Fanals de Saint-Louis

Comme chaque année, fin décembre, les habitants de Saint-Louis du Sénégal ont célébré leur ville et leur histoire au travers des Fanals.

Cette tradition datant du XVIIIème siècle nous rappelle le prestigieux passé de l’ancienne capitale du Sénégal et de l’Afrique Occidentale Française. A cette époque coloniale, les blancs venus d’Europe, souvent de France, avaient le droit de se marier « à la mode du pays » avec de belles Saint-Lousiennes noires ou métisses lesquelles accédaient alors au statut privilégié de Signares. Certaines d’entre elles devinrent de grandes commerçantes et, de leurs unions naquirent des enfants métis, les mulâtres, qui devinrent une sorte de société aristocratique à Saint-Louis, Dakar ou Gorée.

Aujourd’hui, durant les fanals, Saint-Louisiens et Saint-Louisiennes, vêtus de leurs habits traditionnels, fêtent cette grande époque de Saint-Louis. Les Signares, les percussions, les danseurs et les chars construits par les habitants illuminent les rues de la ville dans un grand défilé populaire.

Signare

Cette francisation du mot portugais senhora (dame) désigne à l'origine les femmes africaines qui, vivant en concubinage avec des Européens influents, acquièrent un rôle économique et un rang social élevé1. Les signares semblent avoir existé depuis la fin du XVe siècle dans les comptoirs portugais sur toute la côte occidentale entre le Sénégal et le cap des Palmes. Le terme s'applique ensuite à toute femme retirant une certaine notoriété soit de son métissage, soit de son habileté de commerçante, souvent des deux à la fois2. Arrivés à la suite des navigateurs portugais3, les lançados s'adaptent au mode de vie africain et engendrent les premières communautés métisses notamment aux escales de Rufisque, Portudal et Joal. Parmi ces aventuriers se trouvent des individus en délicatesse avec la justice, mais aussi des personnes de confession juive refusant de se convertir au catholicisme2.

L'arrivée de la France et de l'Angleterre, en transformant le Sénégal en zone de guerre, détruisit cette première micro-civilisation féminine de la petite côte et le système économique pacifique, qu'elles avaient su développer avec leurs familles wolof et peules et leurs pères portugais (souvent de confession israélite). Les signares émigrèrent de la petite côte du Sénégal vers les îles de Gorée et Saint-Louis au début du XVIIIe siècle pour se mettre à l'abri des guerres déclenchées par les Occidentaux entre les rois du Sénégal pour obtenir des esclaves en échange d'armes à feu, de poudre, de munitions, de verroteries et de pièces d'Indienne (morceaux de tissu importés d'Inde puis fabriqués à Rennes dans le cas de la France).

Par la suite, les signares dédaignent le simple concubinage et développent, entre le XVIIIe siècle et le XIXe siècle, une pratique de mariages à la mode du pays qui ressemble plus à l'application d'un droit coutumier africain ou musulman qu'aux préceptes matrimoniaux français. Les premières femmes à convoler ainsi viennent en majorité de la communauté des Noirs catholiques affranchis ou des captifs domestiques4. Ces mariages durent habituellement le temps du séjour du mari et il arrive que la même femme épouse successivement les quatre ou cinq titulaires consécutifs d'une même fonction, devenant ainsi la « femme de l'emploi ». Non seulement le mari européen apporte des avantages matériels immédiats, mais il laisse après son départ maison, esclaves et capital à faire fructifier dans le commerce5. Ces mariages à durée limitée sont entérinés par les pouvoirs publics même après l'application du Code civil en 18306.

Ils ne représentaient pas plus de 15 % du total des unions. Les signares étaient fortement attachées aux unions endogamiques entre métis (80 % des unions), seules capables de pérenniser leur culture et de préserver le capital accumulé de mère en fille sur plusieurs générations. Les mariages avec des Occidentaux étaient élitistes et avaient pour objet de construire en France et en Angleterre de puissants réseaux d'affaires familiales et de faire bénéficier leur communauté de la protection permanente de leurs parentés occidentales contre d'éventuelles brutes envoyées à Gorée par les administrations de ces nations. Les Signares ne se mariaient donc jamais avec de simples matelots, mais avec des cadres bourgeois ou de gentilshommes français et anglais. Les signares ne sont pas issues du mariage de femmes africaines esclaves avec des Occidentaux, mais bien d'unions libres entre femmes lébous ou wolofs parfois faisant partie de l'aristocratie locale et des Occidentaux. Une des nièces de la reine du Waalo Ndaté Yalla était d'ailleurs une signare.

Les signares réussirent au cours de différentes périodes à résister aux gouverneurs et officiers fraîchement débarqués qui contestaient leur pouvoir et leurs privilèges. Grâce à leurs réseaux familiaux, elles arrivaient sans peine à atteindre les instances du pouvoir monarchique en France comme en Angleterre afin de contrecarrer toute décision déstabilisant leur mode de vie. Ces rusées mulâtresses étaient réputées pour leur beauté envoûtante et leurs richesses, qu'elles firent fructifier habilement. Entre coquetterie quotidienne, fêtes dominicales et entretien de suites grouillantes de petites captives richement parées (esclaves sauvées de la traite négrière et intégrées aux maisons des signares), elles menèrent des vies de femmes fatales, cultivant à l'extrême la sensualité1.